
La cité christophienne a accueilli la 16e édition du Festival International de Jazz de Port-au-Prince: PAP Jazz, du 20 au 22 janvier 2023.
À ville historique, moment et événement historique, la ville du Cap s’est placée depuis quelque temps au cœur des activités qui rythment la vie touristique et culturelle du pays. Du 20 au 22 janvier 2022, la ville recevait ni plus ni moins le Festival International de Jazz de Port-au-Prince : PAP JAZZ. C’est l’un des plus grands festivals du pays si ce n’est le plus grand actuellement et pour la première fois que le festival s’est entièrement déplacé au Cap-Haitien, c’est un nouveau coup d’éclat pour le pays en son entier. Retour itinérant ce week-end à la sonorité du jazz et des fringales de rara.

Cap-Haitien et Toussaint Louverture à l’honneur pour la 16e édition du Festival Internationale de JAZZ de Port-au-Prince, la cité christophienne est une nouvelle fois SOLD OUT. Lancé depuis 2007, le très célèbre festival International de Jazz de Port-au-Prince s’est installé comme une fierté nationale, ramenant les plus grands noms possibles du Jazz en Haïti. Au fil des années, ce dernier est devenu un patrimoine à lui tout seul. Un patrimoine qui fut en péril par les nombreuses crises qui ont secoué la cohésion sociopolitique du pays et basculé l’Ouest dans une terreur permanente. Les années 2021 et 2022 ont marqué l’annulation du festival pour les raisons que tout le monde connaît, une pique de l’insécurité à nulle autre pareille, il fallait un alternatif. Il fallait quelque chose d’autre pour raviver la flamme de l’espoir dans l’horizon haïtien. Le Cap, compte tenu de son calme et sa tranquillité et ceci même dans les plus grands moments de crise nationale, est le partenaire idéal auquel lier PAP JAZZ en 2023.

La ville a revêtu ses plus beaux habits, a remis à point son maquillage pour accueillir son nouveau partenaire, dans les meilleures dispositions, avec des étoiles dans les yeux. Le Fort Saint Joseph, le nouveau joyau capois perché entre la mer et la montagne, a reçu les premières étreintes du festival sous les balafres d’un coucher de soleil du jeudi 19 janvier. La noblesse capoise a répondu à ce premier appel au même titre que l’ensemble des ambassades et ministères qui depuis des années accompagne le festival pour une soirée de lancement des plus charmantes. Les médias locaux et nationaux furent tous assoiffés de bonnes nouvelles à partager avec le reste du pays, pour dire que c’est encore possible de parler d’une autre Haïti. Mieux encore une autre Haïti existe déjà, il faut juste rallier le reste du pays à cette mentalité, cet état d’esprit et cette manière d’être qui fait la spécialité du Nord, du Cap.

Dans la matinée du vendredi 20 janvier, c’est la flûtiste espagnole Maria Toro: une virtuose du flamenco Jazz, qui ouvre la voie pour les ateliers pour les jeunes artistes en devenir qui le souhaitent à l’Alliance Française du Cap-Haitien. Ensuite, ce fut tout à tour Damien Schmitt : français, batteur de génie à l’énergie brute ; et Phyllisia Ross, superstar de l’industrie de la musique haïtienne pour un atelier piano et voix. La journée s’est étirée avec la projection du film documentaire récapitulatif du “Dialogue Culturel Binational” réalisé par Thomas Noreille. Tout cela, c’est avant de retrouver le mirifique boulevard du Cap-Haitien, tout près de Lakay Restaurant, une autre marque de cette ville, sous le ciel étoilé, ouverts aux caresses de la brise venant de la mer, en début de soirée. C’est dans une cette ambiance que s’élèvent les voix habituelles de Joël Widmaier et Milena Sandler (organisateurs du festival) pour les propos d’ouverture des spectacles du festival, sur la scène Barbancourt.

Les premières notes qui s’échappent de la flûte de Maria Toro sur des ascendances flamenco, on dirait qu’on venait d’entamer un voyage vers le monde oriental. Une musique exotique pour le public local, curieux de découvrir les attraits de PAP JAZZ, un peu perdu entre curiosité, inquiétude et appréciation. Mélissa Dauphin telle une brise légère soufflait les grands standards jazz en se faisant accompagner des éternels Joël et Mushy Widmaier, et l’illustre musicien et compositeur Gérald Kébreau. Un trio de tonnerre et de créativité pour délivrer, comme eux seuls savent le faire, un récital pour le plus grand plaisir du public. Cette première soirée se termine sur les salves endiablées de Damien Schmitt à la batterie faisant danser son monde à lui tout seul. Il joue de la batterie, chante, danse et fait du beatboxing, un vrai phénomène sur scène, infatigable, et a su accrocher le public en son entier jusqu’aux dernières notes.

Le second jour (samedi 21 janvier), les ateliers d’Aaron Goldberg et de la jeune Mexicaine Ingrid Beaujean ont débuté les activités ; ateliers auxquels s’est suivie la projection du film documentaire sur les 15 ans du festival PAP JAZZ. Un documentaire qui d’ailleurs est en cours de finalisation, du coup le public capois est en avance sur ce point-là ! Le tout agrémenté d’un atelier de musique pour enfants et famille avec Lakou Kajou ! Comme la veille, la scène Prestige a donné rendez-vous au grand public et aux multiples partenaires de l’événement. Ingrid Beaujean, et Aaron Goldberg et son trio “We Are” se sont succédé sur scène après des performances de haute volée. Alfredo Rodriguez, le nouveau prodige musical cubain, nominé au Grammys et managé par nul autre que le grandissime Quincy Jones lui-même ; a assuré la relève ! C’est d’un naturel qu’il survole le public avec sa musique, et gratifie Haïti d’une prestation haute gamme. Une agréable mise en bouche avant d’entamer le plat de résistance, le clou de la soirée, mais aussi du festival, la très sollicitée et attendue Phyllisia Ross.
Il n’y pas de mot assez fort pour décrire ce phénomène, elle a mis en transe le public, l’air est devenu électrique, plus personne ne tenait en place, tout le monde voulait son morceau de Phyllisia et chaque chanson retrouvait les voix d’un public enroué reprenant les paroles et vibrant sans prendre la peine de respirer. Vive, dynamique, époustouflante, elle embellit la scène et délivre une prestation 5 étoiles, on pouvait lire la satisfaction dans les yeux des personnes présentes qui ne pouvaient pas lâcher la scène d’une demi-seconde. Phyllisia a littéralement mis le feu sur scène et est même descendue dans la foule pour danser avec les gens. Nous vous laissons imaginer le reste. Phyllisia a mis la ville du Cap-Haitien, le temps d’une soirée à ses pieds.

Pay Kawòt est l’autre sensation de cette édition spéciale du PAP JAZZ, le rara qui a assuré les intermèdes entre les différentes performances des scènes Barbancourt et Prestige. Pour ceux du Cap, Pay Kawòt est une référence en termes de bande à pied et une fois de plus, ils ont démontré qu’ils valaient bien leur pesant d’or. Friend’s Band et Jazzy Star 262 deux jeunes groupes capois ont assuré les afters à Gwòg Bar, tard dans la nuit, dans le calme, dans la sérénité, dans la tranquillité et la sécurité du Cap. Loin de la frénésie, de la peur et de l’insécurité de Port-au-Prince, l’Haïtien danse, chante, crie et sourit, il pleure aussi, mais espère, car définitivement, une autre Haïti existe déjà, il faut travailler pour le garder et le dupliquer.
PAP Jazz au Cap, un pari qui s’avère être gagnant, pour le bien-être de la culture, de la musique haïtienne et mieux encore du renouveau haïtien. PAP Jazz se termine là où cela avait commencé au Fort Saint Joseph, avec Manito Nation, Kolo, Ti Tanbou, Kabysh et Paul Beaubrun, l’équipe de Gwo Lobo qui ont été rejoints par Amazan Audoine et le dominicain Amin Rodriguez. Un cocktail de grands talents, une ambiance de folie, de jeune, une énergie positive pour finir en toute beauté la 16e édition du Festival International de Jazz de Port-au-Prince, dans l’un des patrimoines témoignant du caractère sacré de la liberté pour nous autres haïtiens. Comme le jazz est en lui-même une musique libre dans son essence, n’obéissant qu’à la seule règle de la créativité de l’artiste, du musicien.

Les retombées de ce week-end fastueux sont sans conteste faramineuses, une fois de plus, les hôtels n’ont plus une seule chambre de libre. Les restaurants du boulevard sont bondés la plupart du temps, l’espace d’un week-end, on se croirait en pleine fête du Cap. Après les tumultes des derniers mois, le Cap avait besoin de se redonner un coup de neuf pour relancer le moteur culturel et touristique. La ville qui se prépare déjà pour le carnaval continue de festoyer et donne rendez-vous au monde entier pour le carnaval. La grande question qui reste sur toutes les lèvres au lendemain du festival : est-ce que le Cap-Haitien accueillera PAP Jazz l’année prochaine ?
Alendy ALMONOR
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