GÉRARD MAXINEAU : UN GÉANT DE LA PRESSE ÉCRITE

Les confidences d’un patrimoine vivant qui ne cesse de polir sa légende.

Gérard MAXINEAU

Gérard Maxineau est un flambeau de l’écriture journalistique au Cap-Haitien, doué de presque quarante années d’écriture, cet homme si familier aux capois a enchaîné les récompenses, mais il a aussi connu les menaces, les bastonnades, les agressions et les revers. Connu de tous les grands médias, il a prouvé une grande capacité à s’adapter, à s’améliorer et à dominer. Gérard Maxineau a connu les hauts et les bas d’un métier souvent méprisé, dangereux et difficile.

Quiconque a beaucoup vu, beaucoup lu, a beaucoup vécu ! Gérard Maxineau par ses quatre décennies de pratique, n’est-il donc pas devenu un patriarche de l’écriture journalistique au Cap-Haitien ?

Si la grandeur d’un homme se mesurait à sa taille, Gérard Maxineau aurait sûrement 2m20. Mais parbleu ! Timide dans son petit corps, souriant le bonheur que la vie laisse aux hommes qui marquent la différence, Gérard est un homme humble, calme et réservé qui se cache le visage, mais qui ne cache pas ses écrits. Entre nos murs blancs, nous avons pu converser avec une icône particulière qui jadis faisait le journal papier, mais pour une fois, ce n’est pas l’un de ces hommes du troisième âge qui ignore les nouvelles technologies. Gérard se met au pas, à voir l’initiative de média en ligne dit « MÉDIAMAX » qui alimente les réseaux sociaux en images et écrits sur les différents événements, situations concernant le Cap-Haitien et ses environs.

C’est dans les jardins de l’École Saint-Joseph du Cap-Haïtien des Frères de l’Instruction Chrétienne que Gérard griffonnait ses premières pages. Étrangement, il a développé cet amour des mots et des vingt-six lettres de l’alphabet français. Cela a suffi pour lui permettre de dire tant de choses, mais comme toujours, comme tout homme, il arrive que les mots lui manquent quand il souffre. L’enfant qu’il était en 1985, rien qu’en CEP (Certificat d’Études Primaires) a compris que l’ampleur des événements de ces années terribles de l’histoire méritait d’être connue de tous. Conscient du manque de radios, étant donné, que le duvaliérisme parlait d’une seule voix et refusait toute réplique, Gérard a compris qu’il fallait à tout prix faire passer la vérité et les réalités à ses camarades. En de timides collectes d’informations sous les mentons des adultes, quelques regards sur les rues, quelques communiqués, il tirait l’une de ces vieilles machines bruyantes qui font peur aux jeunes de nos jours pour faire synthèse et écrire des tracts.

Gérard n’a donc pas tardé dans les années qui suivirent à devenir un amoureux involontaire de la pratique de l’écriture. Et l’on sait tout amour qui dure trop longtemps fait l’habitude puis devient un esclavage qui nous met les chaînes les plus fermes au corps et à l’âme. Devenu jeune, il passe ses petits textes dactylographiés dans les poches et les chemises de ses camarades au Collège Notre-Dame du Perpétuel Secours, l’ambiance presque totale d’une situation patron-ouvrier, mais Gérard distribuait ses tracts pour informer non pour empocher. Comment peut-on rêver de devenir journaliste dans un moment pareil de muselage de la presse? Entre naïveté, innocence, courage, intrépidité et suicide on ne saura jamais comment un jeune adolescent a pu croire qu’il pouvait combattre les armes avec des feuilles et des mots?

Gérard avoue qu’il n’a aucune envie de cesser d’écrire, autrement dit écrire c’est exister, s’il n’écrit plus c’est forcément parce qu’il n’est plus. La parole, le verbe aux lèvres comme sur le papier sont le début et la fin de l’humain. C’est ainsi qu’il se retrouvera six ans après ses premiers essais, c’est-à-dire en 1991 rédacteur confirmé à Haïti-Observateur. Ses nombreuses expériences au sein des médias les plus renommés du pays (Le Nouvelliste, Tap-Tap Magazine, Radio Métropole) ont fait de lui une référence dans le monde du journalisme. Gérard confesse qu’autant la nécessité d’une nouvelle Haïti se fait sentir dans tous les discours, autant il faut aussi une nouvelle qualité de médias et une nouvelle génération de journalistes.

Pourtant, Gérard Maxineau a mené le combat et n’a pas courbé l’échine face aux baïonnettes. Gérard fut donc de ceux qui ont connu ce printemps haïtien dont Liliane Pierre Paul a voulu parler, la période 1991-2004 fut sérieusement l’une des périodes les plus troubles de l’histoire contemporaine d’Haïti. Et c’est dans cette période là que Gérard a connu sa pire expérience de journaliste : « Pi move eksperyans mwen se lè yo te kale m, kèk fanatik zele te atakem nan Okap », moments difficiles, victime de deux agressions, son Cap-Haitien tant aimé était devenu invivable. Suite à cela, Gérard a dû se réfugier à la capitale sur près d’une année pour se protéger, mais le métier l’a encore appelé pour devenir journaliste à Radio Métropole. Tant la renommée couvrait l’homme tant les attaques se multipliaient, tant la vie devenait difficile, tant que sa famille ne pouvait profiter de sa présence.

L’écriture ne donne pas sans reprendre, pour un peu paraphraser Villard Denis dit Davertige : « La poésie ne donne pas sans reprendre, elle reprend par les tripes, les larmes et le sang ». Est-ce pourquoi une certaine amertume, une angoisse profonde se dessine toujours à travers les yeux fatigués des écrivains de tout genre ? Les yeux rouges, la fatigue, l’amertume et la nostalgie se dessine chez Gérard Maxineau, les problèmes familiaux, sa vie professionnelle et l’insécurité poignardent son corps, mais il garde quand même un grand sourire pour encore rester debout face à la vie, face à l’avenir.

Le 28 Juillet 2017 L’homme de lettres a été honoré à l’Hostellerie Roi Henri Christophe par la Plateforme Kore Lavi et Espas Fanm.

Le 10 Janvier 2016 plusieurs journaux ont eu à informer le grand public d’une attaque dont le correspondant du journal Le Nouvelliste a été victime, complètement dépouillé et blessé au frontal.

Le 18 octobre 2019, contacté et averti, Gérard est sous la menace du groupe armé de Carénage dit B29 pour avoir publié la photo d’un de ses membres, armé d’une machette.

Haïti-FLASH publiait le 30 octobre 2019 une liste de 44 journalistes victimes de répression sur l’année, rien d’étonnant à retrouver Gérard dans la liste des journalistes victimes évoluant dans le département du Nord.

Depuis quelque temps, la quantité de médias non-conventionnels a augmenté, mais la qualité de l’information par contre n’a cessé de se ternir. Aucune ligne éditoriale réelle, aucune qualité d’écriture, des photos qui ne conviennent pas aux titres , une recherche constante à créer le suspens ou à générer le plus de vues que possible qui oblige même certains médias de la capitale à diffuser constamment les messages des groupes armés. Le concubinage de certains médias à des politiciens empêche l’impartialité et dans tous les cas, c’est le citoyen qui en paie le prix !

Gérard a eu le temps de manifester sa révolte concernant la banalisation du métier du journalisme en rappelant son dernier scoop sur la crise des hydrocarbures au Cap-Haitien de ce novembre 2021 : « Je me suis senti offusqué par la facilité avec laquelle certaines personnes peuvent vous contredire sans détenir des preuves ou du moins des arguments réels de ce qu’eux, ils avancent ». Désormais, semble-t-il, une phrase d’un détracteur suffit pour tuer une journée de travail de pur journalisme ? L’avenir appartiendrait-il donc plus au mensonge qu’à la vérité ? À l’avenir a confié Gérard : « Dans dix ans, je me vois retraité, en homme consacré à ma famille, à mes enfants ». Le combat de la vérité, Gérard l’a mené aux moments les plus terribles, d’autres devront donc faire la continuité après lui. Qui seront-ils ?

S’il y a une chose que Gérard tient à cœur, c’est, dit-il le quotidien des capois, il porte encore, fier, un idéal christophien qu’il ne voudrait lâcher pour rien au monde. Entre ses rêves de la pérennisation d’un rayonnement septentrional et la dure réalité de l’abandon de la ville par ses élites ; Gérard n’a cessé de le faire crier sa nostalgie : « Le Cap-Haitien a beaucoup à offrir, mais très peu de médias savent réellement montrer la voie, le goût et les couleurs des richesses que nous avons ». Gérard parle d’une élite économique désintéressée, d’autorités trop préoccupées par la recherche des gains.

Enrichi sur les années, Gérard a beaucoup vu le temps passer et a surtout connu les euphories et les désillusions des haïtiens. Quelques fois vous, capois, vous le verrez passer sous sa chemise et ses blues jeans, pressé comme le vent, lançant les salutations par des gestes de la main, faisant quelques détours pour ramasser des poignées de mains. Toujours présent quel que soit l’événement, aucun homme ne prend plus à cœur son métier au Cap-Haitien. Qui ne connaît pas Gérard Maxineau ? De surcroit, il possède cette poudre de fée qui fait qu’au Cap-Haitien dès que c’est Gérard qui le dit pour les connaisseurs l’affaire est close. Personne d’autre que lui ne détient autant la confiance des capois, Gérard demeure l’homme, le journaliste le plus crédible de la ville.

Alandy BLAISE

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