BOIS-PIN : LES OUBLIÉS DE LA SOCIÉTÉ HAÏTIENNE

Au cœur d’un mont perché dans la localité de Bahon, de l’autre côté de la rivière, la Grande-Rivière du Nord, pas même un pont mène à cette route crevassée, percée par les pioches des paysans eux-mêmes démontrant toute la volonté et la ténacité du paysan. Sur des kilomètres à serpenter d’une colline à une autre, entre une verdure forte et un paysage fleuri par les cols, les tristes signes de l’érosion se dessinent sur tous les centimètres carrés quand la roche demi-grise se dessine sous les talons.

Presqu’une dizaine de kilomètres d’ascension avant que se dessine les premières cases enclos dans les bayahondes, devant des manguiers et des goyaviers. Les portes souvent closes témoignent de l’absence du paysan qui des premières lueurs de l’aube s’en va travailler la terre désormais chiche jusqu’à la tombée de la nuit. Les quelques campagnards présents doués de curiosité ne cessent de fixer ces visages méconnus, nouveaux, car le paysan haïtien veut tout savoir, il veut connaître tout le monde. Si le centre-ville de la localité de Bahon se révèle déjà minuscule, Bois-Pin est subatomique !

Adieu l’eau courante, l’électricité, là-haut, il n’existe que les astres pour soutenir les activités du jour ou de la nuit. Le chemin devenu légèrement praticable grâce à l’initiative privée des paysans, quelques bêtes comme les ânes, les mulets, les chevaux portent les grands outils de la vie, les marchandises, la nourriture et l’eau qu’il faut souvent aller chercher de très loin. Là-haut, dans les courants d’air, sous les arbres, dans les cases, il n’existe aucune autorité, aucune présence de l’appareil de l’Etat, seul l’Église s’est aventurée dans ses hauteurs et épuisée de l’escalade elle est souvent fermée.



À majorité âgée, Bois-Pin dévoile une touffe de cheveux gris parmi des rides. Ces gens qui s’efforcent tant de regarder sans voir quand leur lucidité s’efface. Friands de contacts, ils balaient les paumes, tapent les dos, Caressent les épaules comme un potier chercherait à marquer les formes. Entre leurs robes longues, leurs jeans inadaptés à leur taille, le paysan chétif, les yeux éblouis dans la surprise de chaque instant. Quelles cordes jouent leurs mains et leurs pieds ?



Où sont passés les jeunes ? À majorité, les jeunes en Haïti même issus des campagnes ont une tendance citadine. Cette volonté de la vie facile, envoyés en ville pour finir leurs études classiques, ils ne reviennent que rarement ont développé un mépris, une incompréhension et une distance avec leurs origines. Ils ne pensent qu’à vendre les terres lisses comme héritage par leurs grands-parents.

Quelle étrangeté de voir la joie, l’humilité se dessiner sur les visages de ces ruraux qui vivent hors de cette mondialisation que prêchent les livres. Ils osent rire et croire au bonheur sans la télévision sans les réseaux sociaux. Ils osent croire dans le progrès tout en portant des vêtements mal cousus, rapiécés, en portant des sandales rompues et leurs pieds teintes de poussière. Les sources qui les alimentaient tarissent et le ciel quelques fois inclément fait fuser des accusations comme quoi un tel aurait « mare » la pluie par des sortilèges empêchant même une bruinage de tomber sur la région. Armés de leurs machettes, ils arrêtent ou assassinent le malfaiteur responsable de la sécheresse.



Pour une autre histoire, vers Pico, un ruisseau alimente par une source, des anecdotes racontent des disparitions d’enfants en bas-âge dont on retrouve souvent les corps dans les ravins avec des organes manquants. Cette région appelle « Nan Bokit » explique cette triste habitude des parents des victimes de récupérer les cadavres à l’aide de bokit. Certains parlent de mysticisme et de sacrifices de sang quand d’autres parlent d’un certain trafic d’organe dont certains hommes en noir de la région s’adonneraient vers les heures du crépuscule.
Sous le clair de lune, entre contes, histoires et plaintes. Tout révèle la souffrance du paysan, dormant au sol, se levant pour le rude travail de la terre, grignotant sur le chemin, nourri par les femmes de la coumbite. C’est l’église de la région qui réunit à la fois l’autorité, l’élite et l’intelligentsia de la région. C’est elle qui rassemble, qui soulage, qui console les cœurs et les esprits.


Brulés par le soleil, minés par la vie dure de campagne, ils portent toutes les séquelles et les cicatrices des maux auxquels ils ont échappé. Des éclaboussures sur les pieds, les déchirures aux mains, le paysan haïtien se blesse constamment et subit tant d’attaques d’ennemis visibles autant qu’invisibles. Bois-Pin n’étant point doté de centre de santé, le paysan ne peut se permettre de monter et de descendre la montagne pour une migraine, il cherche ses feuilles, regarde les bulles de sa casserole et boit son thé avec la conviction de s’épargner le pire. Mais quand la migraine n’en était pas une, mais le signe d’une tumeur ou autre mal plus consistant le paysan descend dans son mal, lentement, tardivement. Il se fait malmener dans les hôpitaux des grandes villes et remontera tant bien que mal. S’il meurt, c’est dans les pleurs, l’amertume et la douleur que sa famille le portera de la cime jusqu’au pied de la montagne, car seul à Bahon, ils trouveront une morgue ou déposer la dépouille de l’être aimé.

Grâce à une tournée de 3 jours de l’organisation IDÉE (initiative de Développement Éducative et Économique) décidé de mener un projet de réalisation d’un centre de santé pour desservir sur l’habitation Mompoint de la Section Communale de Bois-Pin. Et par le geste de séparation de différents kits alimentaires et sanitaires aux gens de la communauté nous nous sommes sympathisés avec les bahonnais. 

Nous avons vécu les rouages d’une vie paysanne, sans électricité, sans eaux potables, sans signal réseau surtout la Digicel, grande absente de la région. Nous avons vécu 3 la vie de marathon pour l’eau, des blessures soignées au clairin, des maux de tête et de ventre (coliques) traité par les limbes des feuilles des petits jardins. Nous avons vécu la fraîcheur du matin, l’opium d’un christianisme fort et enfoui dans la campagne face à un vaudou qui se cache. Nous avons vécu la méfiance du paysan face aux discours incluant trop de grands, de gros mots des politiciens et des ONG, car ils ont été si souvent le dindon de la farce. Nous avons vécu les nuits sombres sans lunes, le hennissement des équidés à minuit et le chant des coqs de six heures. Nous avons vécu trois jours à Bois-Pin.

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Alandy BLAISE

BLAISE Alandy

The Walking Dead

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