QUE VAUT LA DEMOCRATIE HAITIENNE

François Duvalier essayant un fusil d’assaut en présence du jeune Jean-Claude

            Souvent sur les couvertures ou au cœur de nos livres d’histoire, un homme se dessine avec des rides depuis son menton dénudé, une paire de verre doublée et lourde reposant sur sa face, une masse capillaire de noir et de gris. Papa Doc, redoutable titre d’un homme souvent vu sur des photos de noir et blanc, les pantalons hauts, larges, le regard perçant au loin. Une photo particulièrement spéciale le présente essayant un fusil d’assaut à côté d’un enfant grassouillet, son fils dit Baby Doc. Voici de là une image profonde des Duvalier, ces hommes qui ont régné pendant 29 ans en Haïti dans la plus grande des terreurs.


En Haïti, le nom des Duvalier est associé aux massacres, aux tortures, au muselage de la presse, à la corruption. L’image des Tontons Macoutes ; ces hommes qui de nombreuses fois ont tiré hommes, femmes de leurs lits dans les nuits pour qu’ils ne soient plus revus par leurs familles. Comble d’un silence froid, glacial, la peur régnant au-dessus de l’ordre. Certaines personnes vous racontent cette période où l’ordre était parmi la dictature un grand bien quand d’autres parlent de ceux qu’ils ont perdu à Fort-Dimanche, certaines personnes parlent de cette démocratie malade et hypocrite qui nous ronge et pleure les années soixante.


François est mort, le dieu-mort est mort le 21 Avril 1971, mais personne n’osa prononcer son nom, ni déclarer sa mort. La peur d’être « Kamoken », désigné depuis la vieille photo où le père transmettait le poids de la nation par les paumes posées sur les épaules, Jean-Claude Duvalier, le fameux Baby Doc moins digne, moins adulte n’a été que l’ombre de son prédécesseur. Profiteur, joueur, le bébé grassouillet n’a jamais compris l’importance, la tournure, la dimension de la politique, il dirigeait sans s’éloigner de son biberon. Et 1987 alors, après des mouvements sociaux exigeant la fin d’un système, après la perte du soutien indéfectible des États-Unis, après l’exigence de la transparence et un respect des droits de l’homme du comité international, le roseau s’est ployé, le chêne s’est brisé.


Et comme le dit Liliane Pierre Paul, quand est né le fameux printemps haïtien, les élites intellectuelles et la masse marchaient malgré les répressions de l’armée, marchaient malgré les machettes des macoutes. Quand les nouveaux révolutionnaires marchaient face à la mort et clamaient : « A bas la dictature ! Vive la liberté ». L’espoir d’un renouveau brillait aux yeux des paysans, des étudiants, des fonctionnaires, du peuple haïtien même. Les massacres allaient cesser, les rapts, les séquestrations, les vols, la corruption, l’insalubrité, les exils, la misère, c’est ce qu’ils nous avaient dit.


Le bilan des 29 années d’une dictature sanglante qui a vu prospérer des nombreuses infrastructures, de routes et le silence des groupes armés. Ces factions d’autrefois comme les Cacos et les Piquets disparus depuis l’occupation américaine, ces divisions fréquentes des Forces Armées qui lançaient les putschs. Cette économie qui tenait encore dans l’exportation des bananes, du café, du cacao et du vétiver. 35 années, plus tard, où est-ce que nous en sommes ?


L’ère Jovenel Moise est une particulière démonstration d‘un problème démocratique haïtien. Sous les Duvalier, il existait la corruption d’un seul aujourd’hui, c’est la corruption de tous. Quand hier les assassins étaient les Tontons Macoutes, aujourd’hui, c’est le G9 et les policiers corrompus qui mènent la danse insaisissable. Cela fait 11 ans que le Palais National n’existe plus, même pas les fonds Petro Caribe n’ont été dirigé pour sa reconstruction. Le nationalisme est un sentiment du passé. Le dollar enchaîné vers les 120 gourdes quand nos grands-pères parlent de l’époque où cinq gourdes valait un dollar.
35 années, plus tard, nous dansons une danse de la séparation de l’Etat pour les élus, nous dansons une fausse danse démocratique où chaque 5 ans, il nous faut signer des accords, faire une transition. La dictature est si facile et la démocratie si difficile !

Assemblée Legislative haïtienne contemporaine


La chose la plus étrange par-dessus tout, ce sont ceux qui ont combattu la dictature, ce sont ceux qui ont rédigé notre dernière constitution, ce sont ceux qui ont combattu Jean-Claude Duvalier. Ce sont eux à chaque fois qui deviennent nos présidents (René Préval, Jean-Bertrand Aristide, Leslie François St-Roc Manigat, Jocelerme Privert) nos sénateurs (Guy Philipe, Dany Toussaint, Youri Latortue, Evalière Beauplan), ce sont eux qui deviennent nos ministres (Evans Paul, Claude Joseph, Marc Bazin, Enex Jean-Charles). Ce sont eux qui gouvernent aujourd’hui dans cette démocratie qu’ils ont tant voulu nous donner, ils ont promis d’être meilleurs, d’être nos sauveurs. Mais qu’en est-il réellement ?

            Aujourd’hui quand les Haïtiens regardent cette nauséabonde abondance parlementaire improductive, ils se rappellent les nombreuses fois où les deux chambres ont été dissoutes. Kedlaire Augustin, accusé de séquestration, la petite histoire voudrait faire croire qu’il a même été battu par la police malgré son statu de sénateur de la République, Garcia Delva accusé de coopérer avec l’ancien tristement populaire Arnel Joseph ; chef de gang du Village de Dieu. Jamais lumière n’a été faite. Jean Léopold Dominique, ce journaliste de Radio Inter qui depuis plus 20 ans attend justice et réparation d’outre-tombe, Vladimir Legagneur, Jacques Roche, Me Monferrier Dorval, les victimes de l’ère Aristide, de l’ère Martelly. À quand la démocratie, la séparation des trois pouvoirs, la justice se révélera-t-elle réellement utile aux haïtiens ?



À quand les différents massacres de la Saline, Bel-Air, Solino, le Massacre de Jean-Rabel, le massacre de la ruelle Vaillant seront mis à jour et traités au tribunal de première instance ? En pleine démocratie les haïtiens partent en exil ronges par la misère pour se faire humilier en République Dominicaine, au Chili, au Brésil, au Mexique, aux Etats-Unis et en Europe. En pleine et fervente démocratie nos journalistes Dieu Nalo Chery prennent le maquis, Diego Charles par contre reçoit la mort. En pleine démocratie la politique se fait à coup de balles, devant le Parlement, au Palais de Justice, sur Route-Frères au plus bas de l’École Nationale de Police, à Laboule près des résidences privées de l’élite, a Pèlerins 5 chez le président de la République.

Les Duvalier massacraient dit-on par ciblage clair, par soupçon de complot, n’importe qui pouvait passer de favori au pauvre fusillé à Fort-Dimanche. C’est toujours l’opposant qui osait penser trop fort, c’est toujours l’ancien chef de sécurité, le Rebelle. Aujourd’hui dans la démocratie, c’est la pauvre marchande de charcuterie qui se fait enlever, c’est la pauvre revendeuse de Bel-Air qui se fait brûler vive, c’est le « madan sara » qui se fait débourser sur la route de Jimani par les « 400 mawozo ».



Hier, c’était les procès fictifs qui condamnaient les « kamoken » à la mort, aujourd’hui, ce sont les radios qui prononcent les plaidoiries et les accusations, les insultes fusant sur les réseaux sociaux et les concernes circulent paisiblement tout en ayant l’audace de regarder le peuple dans les yeux. Hier, c’était la peur des Tontons Macoutes, la peur de l’armée, aujourd’hui, c’est la peur d’une police corrompue et divisée, c’est la peur des milices du gouvernement, c’est la peur des gangs, c’est la peur totale et incompréhensible de la société.

Jean Claude Duvalier, aux dernières heures de sa vie



Quand la dictature s’est révélée prompt, corrompue et cruelle, cloîtrant le peuple tout en réalisant les infrastructures nécessaires à l’Etat comme l’Aéroport Toussaint Louverture, les écoles nationales et les lycées et les différents bureaux de l’Etat. La démocratie haïtienne du 21e siècle se révèle lente, bien plus cruelle que la dictature et bien plus `corrompue, mais sans rien réaliser de tangible et sans même faire pour le lendemain la promesse d’une vie meilleure.

#sakapfetokap #okap #ayiti #caphaitien #duvalier #histoire #pays #force #puissance #democratie #democracy #hier #today #reality #politic #people #haitian #culture

Alandy Blaise

Alandy BLAISE

The Walking Dead

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s