
Prévue pour le 6 septembre, la rentrée des classes a été reportée au 4 octobre pour les régions frappées par le séisme du 14 août, et le 21 septembre pour les départements non-affectés. Ici au Cap, tant bien que mal, les écoles ont ouvert leurs portes et nos jeunes écolier.e.s bien mis dans leurs nouveaux uniformes ont donné encore plus de couleur à la ville du roi bâtisseur.
Malgré la situation socio-politique et économique insoutenable, dosée de la pandémie qui fait rage autour de nous et le récent magnicide qui agrémente la sauce de notre misère à l’échelle internationale, vivre ici (en Haïti) désormais est devenu un jeu des plus macabre où nos Parques coupent à volonté le fil de notre destin, et où nos Erostrate brûlent nos consciences selon leur humeur. Alors aller à l’école est un parcours du héros et un luxe que seules quelques personnes peuvent s’offrir, mais à quel prix. Tout cela n’est rien, les parents continuent de se battre contre vents et marées afin d’assurer une bonne instruction à leurs enfants. Et pour cette rentrée encore Dieu seul sait combien les sacrifices étaient énormes surtout à cause de la crise économique où la gourde est dévaluée et le prix des produits exorbitant, les écoles n’ont pas manqué d’ajuster non plus les frais scolaires. Si à la mort de feu notre président, les choses allaient changer, faut croire que le statu quo est maintenu.

La période précédant la rentrée, les commerçant.e.s qui eux aussi sont des parents, qui ont des enfants soit à l’école ou à l’université, se font un plaisir de taxer au maximum ceux et celles qui approchent leurs produits. Chaussures, sac-à-dos, boite à lunch, matériels scolaires, le tout semble inaccessible. Mais tout ça n’est rien, car les parents ces héros et héroïnes du commun sont confirmés dans leur abnégation.
Nous ne voyons pas seulement que le côté triste, il y a aussi la joie de se retrouver devant le portail et de parler respectivement des élèves, de se côtoyer dans les salles et sur la cour, de partager un pâté, une boisson aux couleurs locales. C’est aussi l’occasion pour les membres du corps professoral de penser aux cheveux blancs qu’ils vont se faire, car les dissidents autant que les studieux sont de retour.

Quel beau tableau pour souligner ce premier jour de classes, marqué pour certains de leurs premiers pleurs pour d’autres des premiers rires qui engagent une relation durable, et même la première dispute. Soyons vrais, on ne se supporte pas tous.
Viens avec cette joie, qu’on le veuille ou non, la ribambelle d’inquiétude comme l’escorte des Baron : l’insécurité, pénurie d’essence, black-out, rien n’est sûr désormais. Et en ces temps si incertains, où un malheur est vite arrivé, il est plus qu’urgent de former une chaîne de solidarité, comme tel a été le cas avec les gens du Grand Sud, afin d’assurer la sécurité de nos écoliers (de nos jeunes). Car à une certaine heure, ‘’tout ti berejèn fè ’’. Ne dites pas ‘’se pitit entèl erezman se pa pam nan’’. Aujourd’hui, c’est le sien demain, c’est peut-être ton tour. Que l’on soit clair, nous avons tous consenti aux mêmes sacrifices peut-être pas au même niveau, mais n’empêche…

L’essentiel dans tout cela, ce n’est pas seulement de faire les sacrifices. Non. Il convient d’assurer l’avenir. Après quatorze années sur les bancs de l`école et cinq ou sept à l’université ce n’est plus nécessaire de consolider le chômage qui encrasse notre quotidien, dont l’une des causes réside dans le non-renouvellement des cadres dans les bureaux de l’état ainsi que le secteur privé. Ou encore le manque d’expérience si souvent souligné lors des entretiens d’embauche.
Avec joie, chaussez vos petits souliers, soyez impatients de galoper, galopez sur nos Néron, nos Erostrate. Même si ‘’rien n’est stable’’, je ne peux pas rater l’occasion de vous souhaiter une Bonne rentrée et une bonne année scolaire 2021 – 2022 !

Brooz SAINTIL
Frère Raté














