L’Atelier Soleil et ses collaborateurs, les 13, 14 et 15 mai 2021 ont permis, à travers FESPAJEUNE (festival parole et jeunesse), aux écoliers de se dire, de s’exprimer, par le théâtre et la danse. Après le lancement du festival à l’Alliance Française du Cap-Haitien (voir notre article là-dessus), le rendez-vous à été donné au Collège Notre-Dame pour les différentes représentations.

C’est le Collège Susan Schuenke qui a donné le ton, avec une adaptation de Musset «la nuit de décembre ». S’en sont suivies, des représentations de textes contemporains « les élèves d’aujourd’hui » et « Grand Lakou », respectivement par l’Institution Siloé et le Collège Modèle. La première pièce met en relief la situation scolaire en Haïti. Où la liberté est confondue avec le libertinage et où l’irrespect a l’égard du corps professoral est à profusion. Pour la seconde, c’est la dégradation de nos Lakous, ces petites sociétés où il fait bon vivre, par un apport des grandes villes. Et pour finir, l’Institution Marie Auxiliatrice a mis le feu sur la scène en nous plongeant, dans cet univers folklorique, qui est souvent relayé au second plan.

Le deuxième jour, même sauce avec le Collège Pratique du Nord, l’Institution Marie Auxiliatrice, le centre Siloé et le Lycée Philippe Guerrier. Ces derniers ont joué respectivement, « Ayiti résilience », mettant en évidence ce quotidien qui nous déloge, l’insécurité. Une gangrène qui prend de l’ampleur. « Nous sommes des femmes », un petit retour contemporain, au temps de la colonie, mais plus au féminin. Et pour finir « Tourbillon », une plongée dans l’intimité de nos familles contemporaines. Pour clôturer la soirée, LNPG a fait sensation, malheureusement que certains dans le public ont des clichés et des stéréotypes parce que des gars font de la danse folklorique.
Enfin le troisième jour, les activités ont débuté par une conférence. Ce sont les panelistes Wedlyne Jacques, Billy Desir, Rachel Saint-Julien et Guesly Michel qui ont conduit leur auditeur que ce soit à travers une expérience vécue ou autre, sur le sens du « Ann byen fè sa nou dwe fè », ce qui a été le thème même de la conférence. En résumé, on retient ça : se défaire, des clichés, des stéréotypes et des barrières sociétales qui entravent l’épanouissement de soi. Et savoir se donner les moyens pour arriver au but quoi qu’on dise.

Pour couronner la première partie de la fin du festival, les représentations ont été assurées par l’Institution Saint Thomas d’Aquin, le Lycée National Philippe Guerrier et l’Ecole Sainte Marie de Milot. Dans l’ordre, « la tragédie d’une mère » les élèves de l’ISTA ont eu le soin de nous rappeler combien la vie est vide de sens, quand l’héroïne du commun a rejoint les Champs Élysées, « Hommage à Gregory Saint-Hilaire » quoi de mieux que les victimes mêmes de cette situation pour en parler, relater le vécu dans les lycées et ce qui doit être pour améliorer leur condition ; « la déclaration à la jeunesse » « oui nous sommes prêts à le faire », tel a été les dernières paroles pour clore le chapitre des représentations.
Le temps de la mise en place pour les pièces du dernier jour, Mr Brunatche Zéphyr nous a confié que « C’est un sentiment de satisfaction que j’ai par rapport à la participation des jeunes à cette activité. » et il nous a aussi confié que bien d’autres activités sont en cours. Sur le jeu des acteurs et le message que contient leurs textes, monsieur Brunatche a ce commentaire « Pour des jeunes qui font du théâtre pour la première fois, c’est extraordinaire. » et encore sa satisfaction est à son comble. Questionné sur le message des textes et comment il est perçu surtout avec un public qui n’est pas trop dans son élément, il dit : « comme ils sont -novices-, la voix ne sort pas trop bien et elle n’est entendue que de ceux qui sont devant. Alors, le message perd un peu de sa portée. »

Un festival de trois jours pour 12 spectacles. Pour chacun des douze, il y avait cet art qui cherchait à plaire. Et malgré l’immaturité du jeu, à aucun moment les acteurs n’ont perdu de vue leurs objectifs : plaire, se dire et enseigner. Que ce soit par le théâtre (9 spectacles), où la fin invite à chaque fois à une prise de conscience, faire table rase et embrasser l’avenir avec grand espoir ; ou encore à travers la danse (2 représentations), cette forme d’expression qui donne lieu à tant d’interprétations, même si pour certaines personnes, seul compte le déhanchement frénétique sur un rythme afro.
Malgré tout, cette initiative est louable. Alors ne pas la saluer serait pure folie et indifférence, en ce qui concerne ce petit pas de géant fait par des jeunes, qui n’ont fait du théâtre qu’à cette occasion. Quel éclat, quelle beauté et surtout quelle innocence dans le jeu de ces écoliers ! Malheureusement, il fallait s’y attendre. Le public présent constitué principalement de jeunes n’a pas manqué d’exercer cet ascendant propre aux jeunes désireux de se faire remarquer et habitués à l’ambiance des « atè plate » « car wash » et autres. Tandis que les acteurs s’évertuaient à faire passer un message, d’aucuns dans une attitude anti-progressiste ont failli tout gâcher. Et quand, de jeunes garçons conscients de leur richesse culturelle laissent leur corps s’exprimer à travers la danse folklorique, cela ne manque pas de scandaliser d’autres qui a priori se jugent « virils ». Mais où irons-nous avec ces barrières, ces préjugés ? Il faut poser la question, quelle société voulons-nous à l’avenir ?

En ces temps, où l’obscurité s’érige en phare non seulement dans notre communauté, mais aussi dans notre maison commune, il faut donner la parole aux jeunes, qu’ils mettent des mots sur leurs maux, parce qu’au final « maladi sere pa gen remèd ». Et comme la perfection s’apprend, devons-nous mettre à leur disposition les moyens nécessaires afin qu’ils fassent bien ce qu’ils ont à faire. Yo se ti moun jodi, demen yo ap grandi ak optinite nou te vle ba yo.

Brooz Saintil
Frère Raté